Je viens de terminer cherokee et j'ai adoré ce roman tout comme j'avais adoré je m'en vais. Jean Echenoz confirme donc tout le bien que je pensais de lui. Et il ne pouvait en être autrement tant dans ma conception de la littérature, la forme compte tout autant que le fond..voire plus. Dans cherokee, l'histoire brinquebalante d'un type un peu paumé qui se retrouve enquêteur dans une espèce d'agence de détectives où l'on enquête sur des affaires abracadabrantesques (un vol de perroquet par exemple) n'est évidemment une fois de plus qu'un prétexte à une débauche verbale d'une ingéniosité sans pareil où les mots rares et précieux côtoient des termes techniques qui tombent à chaque fois fort à propos, où des phrases insolites se succèdent comme autant de surprises et d'émerveillement ! Pour autant l'environnement échenozien n'est pas spécialement chatoyant puisqu'en général et dans cherokee en particulier, les terrains vagues se succèdent à rues sombres jonchées de déchets et à des zones péri-urbaines à moitié désertées. Mais la plume de l'écrivain donne à tous ces endroits et aux antihéros qui les fréquentent une sorte de grandeur poétique véritablement enivrante.
Ça donne des choses de ce genre :
Ils s'éloignèrent. Le bruit de leur moteur décrut, se fondit dans la rumeur lointaine, ils n"étaient plus là. Cependant, nous restons. Alentour le paysage est gris et terne. Il fait humide et froid. Tout est désert, on n'entend plus rien que cette rumeur lointaine sans intérêt. Que ne partons-nous pas. Mais voici qu'un autre bruit de moteur naît en coulisse, se précise, s'incarne en une nouvelle voiture qui paraît au bout du passage, s'approche, ralentit et se gare là même où stationnait la 504. C'est la Mazda locative de Fred. Va-t-il se passer quelque chose. Aurions-nous bien fait de rester. (p96) (note : narrateur extérieur au récit)
Le perroquet Morgan était âgé d'une soixantaine d'années, ce qui correspond en gros, à l'échelle humaine, à une soixantaine d'années...(p138)
Sur l'autoroute, à cette heure-ci, il n'y avait que des quinze-tonnes lancés à toute allure dans leur cortège classique de cuir, de tabac, de laine, de sueur et de gasoil et aussi quelques voitures particulières menées à toute allure par des hommes seuls, ivres et désespérés. (p171)
Plus qu'un simple écrivain, Echenoz est aussi un poète, un sculpteur du verbe et et lorsqu'on lit ses oeuvres, on devine tout le plaisir qu' il a mis à les écrire. Ça se devine et ça se sent qu'il prend beaucoup de plaisir à l'écriture. Je considère Jean Echenoz comme l'un des plus grands écrivains français contemporains, au côté de Philippe Djian (dont les romans sont différents mais qui cultive une même forme de cynisme) et de Benoit Godillon (dont un nouveau roman sort en mars).
Alors, rejoignez le fan club de Jean Echenoz sur facebook. Et par la même occasion celui de Georges Marchais. -))
Et puis lire l'excellente note de Pitou, le blogger au bout de la lettre.
Et puis, aller faire dodo.
lecture du 15.01 au 22.01.09
note : 4.5/5
à venir : le diable au corps, Raymond Radiguet
Loïc