S’il y a un portrait de Rimbaud qui me plaît et qui correspond à l’idée que je me fais du poète, c’est bien celui réalisé par Henri Fantin-Latour dans ce tableau. Assis près de son ami Verlaine ( en train de se boire un pichet de rouge à lui tout seul), il tourne le dos aux autres (Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan, Pierre Elzéar, Emile Blémont, Jean Aicard, poètes qui auront laissé une trace dans l’histoire que par leur présence dans ce tableau). Dans ce groupe des “vilains bonshommes”, il apparaît clairement qu’il n’y a que deux vrais vilains bonshommes : Verlaine et Rimbaud, le couple qui fait scandale dans le tout Paris de l’époque. Scandale et génie, tout est là.
Claude Chevreuil raconte la genèse de cette oeuvre et pour se faire, fait parler Henri Fantin-Latour, peintre réaliste faisant dans le portrait et la nature morte. On traverse avec lui les tourments de la guerre de 1870 et de la Commune de Paris. On y découvre un homme serein, prenant beaucoup de distance avec les événements, un homme qui sacrifie sa vie amoureuse pour pouvoir s’occuper de son père malade. Courtois, humaniste, il est apprécié des poètes qui se succèdent chez lui pour se confier ou pour lui faire part de leurs dernières productions. Au départ, le projet est de faire un tableau en hommage à Baudelaire (d’ailleurs ce sont les fleurs du mal que lit Ernest d’Hervilly sur la toile) et puis, le projet évolue, Arthur Rimbaud a débarqué de Charleville et à la lecture de ses poèmes, tout le monde comprend que quelque chose se passe, Fantin-Latour le premier. Il décide que Rimbaud sera présent sur la toile, qui finalement s’intitulera un coin de table.
Dans la foulée, parce que j’aime bien fouiner dans les limbes de la littérature, j’ai lu un roman de l’un des autres vilains bonhommes, celui en haut-de-forme et qu’on voit de profil. Personne ne se souvient de lui, il s’agit de Pierre Elzéar et j’ai trouvé sur le site de la bnf, un de ses romans : la femme de Roland. Je l’ai lu cet après-midi, c’est une sorte de huis clos sentimental entre 6 personnes dont la figure principale est un vieux peintre qui devient aveugle et dont la jeune femme affriolante s’acoquine de son médecin. C’est plutôt une pièce de théâtre, ça n’a rien d’extraordinaire et en tout ça n’a rien de dérangeant, pour un vilain qu’il était censé être.
lecture : mars/avril 2012
éditions de Fallois, 281 pages
année de parution : 2010
note : 4/5
pierre elzéar
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CR229 : un coin de table - Claude Chevreuil