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beauchamp

  • rendez-vous manqué, épisode 3

    épisode 1

    épisode 2

     

    Un moment, lorsqu'une histoire devient à ce point absurde, on aimerait se réveiller et se dire ‘ouf’ en voyant le jour poindre à travers les volets. Mais j’avais beau me secouer la tête  et me donner des gifles, le monde restait le même, le chapiteau jaune était toujours dressé et Saint-Caradec que je m’apprêtais à quitter toujours aussi faussement tranquille. Je décidai de ne pas prendre ma Talbot 206 mais de traverser le Blavet dans une vieille barque avec l’accord de son propriétaire portant un tee-shirt Castrol et qui pêchait allongé sur les rives du fleuve.

     

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    Arrivé de l’autre bord, j’accostai et je fus tout de suite saisi par des bruits qui ne collaient pas avec ceux d’un colloque ou d’un congrès ou que sais-je encore. Comme de fait, à l’intérieur s’affairaient des techniciens tous handicapés d’une façon ou d’une autre. Les uns étaient manchots, d’autres culs de jatte, quelques-uns les deux à la fois….mais tout ce monde n’éprouvait aucune difficulté à empiler les chaises et les tables, le tout dans la bonne humeur et avec en fond sonore une compilation de Plastic Bertrand. Un homme installé dans un coin semblait indifférent à tout ce vacarme. Il écrivait sur une machine à écrire dernier cri et je me suis dit qu’il s’agissait peut-être de Beauchamp. Je traversais le chapiteau et m’approchai du bonhomme vêtu d’un veston couronné d’un nœud papillon estampillé CF. Je me suis prostré devant lui mais il ne leva même pas la tête affairé qu’il était à recopier un amas de notes qu’il avait dû prendre pendant ledit congrès. 

    - bonjour, dis-je

    - bonjour, répondit-il consentant à me regarder.

    - Excusez-moi de vous déranger mais à tout hasard, vous appelez-vous Beauchamp ?

    Il laissa alors son travail de côté et me fixa du regard

    - Nullement, je suis Germain de Vains, vicomte de la Ferronnays, comte de Gouy mais exempt de gardes du corps et j’exerce la charge de secrétaire du Congrès Fédéral mais je m’étonne que vous vous intéressiez à Beauchamp. Il est le vice-président de ce Congrès, enfin il l’était, je ne sais que vous dire pour l’instant. Je ne crois pas vous connaître, faîtes-vous partie du Congrès ?

    - Pas du tout, je ne sais même pas du Congrès de quoi il s’agit, je veux juste règler une affaire sans importance avec votre vice-président

    - Vice-président, il l’est effectivement encore officiellement puisque nous n’avons pas procédé à sa destitution mais il ne le restera pas longtemps. Par ailleurs, nous ne laissons pas la vie sauve aux dirigeants destitués

    - Je n’ai pas envie de m'immiscer dans vos affaires internes, je veux juste rencontrer Beauchamp

    - Je me suis laissé dire qu’il était parti avec son carré de fidèles préparer une riposte quelque part dans la Manche mais je ne puis vous en dire plus. Et j’ai encore du travail. Bonne journée

    - Bonne journée, Mr de Vains. 

    Je traversai le chapiteau qui était vide désormais. On commençait déjà à le démonter et le vicomte de machin-chose exempt de gardes du corps continuait à taper sur sa machine moderne comme si de rien n’était. Pour un peu, dans une heure, il serait toujours à son ouvrage mais dehors, sans chapiteau pour l’abriter.

    J'ai quitté l’endroit et j'ai regagné la  barque. J’ai arrêté de ramer au milieu des flots afin de tenter de faire le point et de rassembler les pièces de ce puzzle. Plusieurs questions me taraudaient :

    . Pourquoi Beauchamp m’échappait-il sans cesse ?

    . Pourquoi avait-il quitté le congrès alors qu’il m’y avait donné rendez-vous ?

    . Quelle était donc cette organisation qui assassinait ses anciens dirigeants ?

    . Quel rapport entre Beauchamp et le cambriolage de la quincaillerie Dumoulin dont les gommes volées étaient frappées du logo du Congrès Fédéral ?

    . Comment  se fait-il que comme par hasard le garçon de café de relais du Blavet était le beau-frère de Dumoulin alors que 300 kms séparaient Hennebont de Saint-Aubin de Terregatte ?

    . Le  départ de Beauchamp dans la Manche avec son carré de fidèles avait-il un rapport avec la quincaillerie qui se situait à Saint-Aubin de Terregatte ?

    Je n’étais pas détective et tout cela me dépassait. Fallait-il que je contacte les autorités concernant ce vol de gommes à la quincaillerie  et ce possible meurtre à venir ? Comment allaient-il croire que tard le soir du 20 mai , attendant l'appel d'un type dans une cabine téléphonique perdue dans les broussailles sur la route de Plumelin, je reçus à la place l'appel d'un autre type me demandant si le cambriolage de la quincaillerie Dumoulin était toujours d'actualité et qu'après je leur dise que les gommes volées lors de ce cambriolage étaient frappées du logo CF signifiant Congrès Fédéral dont une personne que je recherchais pour une affaire insignifiante était le vice ou l'ancien vice-président et qu'elle était menacée de mort ? Une telle histoire à peine croyable allait-elle les intéresser alors que le préjudice ne s'élevait qu'à 500€ ? N'allaient-ils pas plutôt me prendre pour un affabulateur ? Et  au cas où cette affaire les intéresserait (au moins pour le projet  de meurtre) , j'avais quand même un indice de taille : le type qui s'était trompé de numéro voulait en fait joindre le 01 97 44 10 68 (et d'ailleurs, préparant un vol, pourquoi cela ne posa aucun problème au type de me dire quel numéro il voulait joindre ?). J'aurais pu moi-même appeler ce numéro mais j'avais peur de m'embarquer dans une histoire qui ne me concernait pas. 

    Après être repassé par le centre-ville me prendre un petit chocolat décaféiné au restaurant le Sporting (dans lequel des manchots ayant sans doute fini leur travail chantaient l'Internationale Communiste en s'applaudissant), je quittai Hennebont et sur un coup de tête et décidai de brancher mon GPS sur Saint-Aubin-de-Terregatte. 

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     Loïc LT, le 02.06.2015

  • rendez-vous manqué, épisode 2

    Comme j'avais le temps et que je voulais en finir avec cette histoire, je me suis résolu à me rendre au quartier de Saint-Caradec. Il n'y a que 5 minutes de route et c'est un endroit agréable où il fait bon vivre. En me rendant sur les lieux, lors d'un arrêt à un feu rouge, je me suis amusé de constater que 14 ans après  (j'ai habité à Hennebont en 1998 à 2000), la même dame avec la même coupe de cheveux s'affaire au lavage des autos sans ménager sa peine. 

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    Parvenu au quartier de Saint-Caradec, j'ai garé mon auto sur un parking en face du Blavet, j'ai pris ma sacoche et mon appareil photo et suis parti en quête de ce congrès. Quand on pense congrès, on pense grande salle, il fallait donc que je trouve quelque chose comme une salle des fêtes ou que sais-je. Je suis rentré dans le relais du Blavet où un garçon de café ressemblant à Michel Houellebecq s'affairait à ne rien faire. Je notai qu'il portait un tee-shirt publicitaire quincaillerie Dumoulin

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    Je me souvenais évidemment de cette quincaillerie qui devait soi disant être cambriolée le 21 mai, c'est à dire le lendemain de l'appel passé par erreur à la cabine de Plumelin.  Je pus distinguer sous le nom munition, gommes, Saint-Aubin de Terregatte 50. Je fus tellement abasourdi par ce hasard que j'en avais oublié Beauchamp. Décontenancé, je commandai une pinte d'absinthe et engageai la conversation avec le garçon de café. On commença par parler de la prolifération des persicaires, du semblant de tranquilité du quartier etc et je m'enquis l'air de rien de la provenance de son tee-shirt. Il me répondit que c'était un cadeau de son beau-frère qui tenait une quincaillerie dans un petit bourg de la Manche. Je répondis que c'était rare aujourd'hui les quincailleries dans les petits bourgs. Ce qu'il me confirma mais le fait que le magasin soit spécialisé dans les gommes de toutes les tailles et de toutes les formes faisait venir des gens de toute la France. Et bien ! Des gens traversent la France pour acheter une gomme en Normandie. Ensuite, il m'apprit que les gommes étaient tellement prisées que la quincaillerie venait de subir un cambriolage lors duquel les larrons ne volèrent que des gommes mauves longues de 35 cms et large de 2 cms. Le larcin se chiffrait à seulement 500 € mais avait beaucoup marqué son beau-frère qui ne s'imaginait pas que l'on puisse voler ce genre d'objets, d'autant que ces gommes avaient été commandées par un seul client et qu'elles étaient gravés d'initiales 'CF'. Je lui demandai ce que signifiait ce CF, il me répondit qu'il l'avait su mais qu'il ne s'en souvenait plus. Ensuite, je revins à mon affaire, les yeux rivés sur le Blavet et ses eaux tranquilles.

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    Il n'y avait pas de salle à Saint-Caradec me dit le beau-frère du quincaillier de Saint-Aubin-de-Terregatte à moins que l'on considère la maison de quartier comme une salle. 

     

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    Cette maison est utilisée par des associations du quartier ou pour diverses activités culturelles à destination des enfants. 'Des gens venus d'ailleurs peuvent-ils la louer ?' demandai-je. 'Sans doute, me répondit-il mais il n'avait jamais entendu parler de ce genre de choses. Le silence s'installa et la fée verte commençait à faire son effet. 'Quel beau chapiteau que voilà' dis-je bêtement. Je n'ai pourtant pas vu de ménagerie et de camions autour complétai-je. Le garçon me répondit que ce n'était pas un cirque mais un colloque quelconque qui avait dû louer le stand à un cirque. 

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    J'ai fini ma pinte cul sec, payé l'addition et je suis sorti. Plein d'idées se bousculaient dans ma tête. J'avais besoin de réfléchir sereinement et une promenade dans ce beau quartier ne pouvait pas me faire de mal. 

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    Un moment, j'entendis des pas précipités dans mon dos, comme quelqu'un qui courrait. Je me retournai et vit le garçon de café. Essoufflé il me lança 'je viens de me souvenir à quoi correspondait les initiales CF inscrites sur les gommes subtilisées à mon beauf : Congrès Fédéral'. Je ne me souviens plus de ma réaction mais je remerciai le type et m'assis sur un banc. Ce n'est plus de réfléchir que j'avais besoin, c'était de dormir et d'oublier tout ça, d'autant que cerise sur le gateau, je distinguai au loin sur le côté du chapiteau jaune les mêmes initiales. Je savais maintenant où se trouvait Beauchamp (encore qu'avec lui, on pouvait s'attendre à tout) mais trop de renseignements hasardeux et troublants me parvenaient. J'avais vraiment le sentiment que quelqu'un s'amusait avec moi. Et bien, moi, quand on me cherche, on ne me trouve pas et je suis du genre à me laisser marcher sur les pieds. A bon entendeur, salut, Beauchamp, me voilà !

    A suivre (peut-être)

    Loïc LT, le 31 05 2015 (photos prises le 30 05 2015)

  • rendez-vous manqué, épisode 1

    Beauchamp m'avait demandé de me rendre le 20 mai dans une cabine située près de Plumelin  à une certaine heure tardive et y attendre son appel afin qu'on convienne d'un rendez-vous, rdv pendant lequel on fixerait les modalités permettant de résoudre le différend qui nous pourrit la vie. Je crois qu'on est au moins d'accord sur une chose : on veut en terminer avec cette histoire inconcevable. Je me suis rendu sur place la veille de l'appel afin d'être sûr de l'endroit ( en retrait du bourg, presqu'au milieu des bois). 

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    Le 20 mai, il faisait encore un peu jour lorsque je suis arrivé sur les lieux. Une Renault 21 Nevada verte pomme était garée près de la cabine et un homme vêtu d'une chemise col mao amidonnée en est sorti. Avenant et souriant, il m'a dit qu'il s'appelait Magdebourg et qu'il était missionné par Beauchamp pour me dire que l'appel n'aurait pas lieu pour des raisons inconnues de lui. Je me suis quand même rendu à l'intérieur de la cabine. Le publiphone fonctionnait et le numéro attribué était le 02 97 44 10 68. C'est alors que la sonnerie retentit. Magdebourg qui avait allumé une cigarette me regardait de l'extérieur et avait dû entendre la sonnerie également. J'ai décroché et une personne m'a demandé si c'était toujours ok pour le cambriolage de la quincaillerie Dumoulin le lendemain. Je lui ai répondu qu'il y avait erreur et qu'elle appelait à une cabine. Comme de fait, le numéro qu'il voulait joindre était le 01 97 44 10 68. Je suis ressorti de la cabine et Magdebourg était toujours là, la main gauche dans la poche droite et l'autre tenant la cigarette. Il était décontracté et il me dit 'je vous aurais bien proposé de boire un verre dans le bar un peu plus haut mais il est fermé'.

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    Ensuite, il m'a dit que Beauchamp faute de pouvoir appeler lui avait demandé si j'étais disponible pour un rendez-vous à l'hôtel de la gare d'Hennebont le 30 mai à 16:00. Je lui ai répondu qu'à priori oui. Magdebourg m'a alors dit qu'il transmettrait mon accord de principe à Beauchamp et je lui ai répondu que si je ne donnais pas de nouvelles (de toute façon je n'avais aucun moyen de le joindre), c'est que le rendez-vous aurait lieu. 

    Le 30 mai, je me suis rendu à la gare d'Hennebont avec un peu d'avance, pas par inquiétude ( parce que je n'avais aucune raison d'être inquiet) mais parce que j'aime l'ambiance qui entoure les gares. Lorsque je suis arrivé, j'ai tout de suite noté que l'hôtel en question était fermé.

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    J'ai quand même frappé à la porte et une vieille dame dans le coaltar (car telle est l'orthographe de ce mot), en chemise et bonnet de nuit est apparue à la fenêtre du second étage possédant un petit balcon. Elle m'a demandé ce que je voulais et je lui répondu que j'avais rendez-vous avec un type dans le bar et elle m'a dit qu'elle en était l'ancienne patronne  et que celui-ci était fermé depuis trois ans et qu'elle n'attendait personne. Sans me dire au revoir, elle a fermé violemment sa fenêtre et je suis resté comme un con devant l'hôtel  dont la société immobilière Fiducial Conseil était chargée de la vente (si vous êtes intéressé, il faut appeler le 02 97 87 15 28). J'ai pensé que peut-être Beauchamp avait voulu signifier que le rendez-vous aurait lieu devant l'hôtel. Je me suis résolu à revenir à l'heure convenue, 16:00 donc,  le temps pour moi d'aller visiter la gare.

    Je ne crois pas avoir déjà pris le train depuis cette gare ni y avoir été déposé (encore que j'ai un doute sur ce dernier point). C'est une gare à l'architecture classique qui ne voit s'arrêter que des TER et INTERCITES, genre il y a un départ pour  Redon à 19:10 ou pour Quimper à 16:31. 

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    A l'intérieur, il y a même un guichetier et de futurs voyageurs. Le tout est propre et semble avoir fait l'objet d'une récente rénovation...ainsi d'ailleurs que les abris à l'extérieur. 

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    4 ou 5 personnes traînaient dans la gare et je me suis dit que peut-être l'un deux était Beauchamp mais en les regardant bien, je n'ai pas senti que quelqu'un était là pour traiter d'affaires louches. Ou alors Beauchamp allait-il arriver par l'un des prochains arrêts ? Mais le guichetier m'informa qu'aucun arrêt n'était prévu avant 19:00. Au cas où Beauchamp serait fidèle au rendez-vous, il ne viendrait donc pas par le train. 

    En attendant 16:00, j'ai erré aux abords de la gare. J'avais soif mais je ne voyais aucun bar à l'horizon. L'endroit était  calme, il n'y avait pas d'activités et pour un peu j'aurais pu entendre les ronflements de l'ancienne patronne de l'hôtel.

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    Quand tout est silencieux à ce point, on entend comme un bruit de fond un peu comme celui qu'on entend dans le film Paris-Texas de Wim Wnders à un moment, comme si le silence total ne pouvait être. C'est le son du Cosmos, de l'univers ou celui des Langoliers me dis-je parfois. 

    A 16:00, je me suis rendu devant l'hôtel mais il n'y avait personne, juste une affichette scotchée sur la porte 'je suis passer un peu en avance et presser je n'ai pu vous atendre, je suis attendus au Congrès Fédéral au quartier de St-Caradec, cordialement, Beauchamp'. (j'ai laissé les fautes)

    C'est quoi ce Congrès Fédéral à Saint-Caradec ? Je connais un peu Saint-Caradec, c'est un petit bourg pittoresque  faisant partie d'Hennebont mais se situant sur la rive gauche du Blavet (ou droite, ça dépend si on situe en amont ou à Laval) . De nature calme, je commençais cependant à être agacé par ce qui commençait à s'apparenter à un jeu de pistes...et tout ça pour lui annoncer que je possédais l'argent qu'il ne me devait pas. 

    Il y a des jours où l'on se dit que ce monde ne tourne pas rond. 

    A suivre,

    Loïc LT