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  • un automne avec Proust (6-10%)

    C'est dans le paquebot MS Pont-Aven me ramenant d'Irlande (j'évoquerai ce voyage) que j'ai atteint les 10% de la Recherche. Nous étions le 5 novembre, Il était 5 heures du matin, j'avais appris la veille le décès de ma grand-mère (dont je salue ici la mémoire). Le paquebot s'éveillait tranquillement, la mer était correctement mouvementée et n'arrivant plus à dormir,  je venais de sortir discrètement de la cabine (où mes trois compagnons dormaient). J'étais seul dans un salon du niveau 5 et j'apercevais au loin les lumières de Roscoff. 

    Je suis au coeur d'un amour de Swann, ce roman dans le roman dans lequel le narrateur revient (alors qu'il n'est pas encore né) sur les débuts de le relation entre Odette de Crécy et Charles Swann. Le salon Verdurin dont font partie les deux amoureux (et Odette avant tout qui y a fait entrer Swann) en est le centre de gravité. C'est un salon de gens pédants, se trouvant au dessus de la masse moyenne des mondains et dans lequel on se moque des 'ennuyeux'. Mais le narrateur n'a de cesse de les ridiculiser et ce sont là encore se sont de savoureux moments de lecture.  

    A propos du docteur Cottard, par exemple :

     Le docteur Cottard ne savait jamais d’une façon certaine de quel ton il devait répondre à quelqu’un, si son interlocuteur voulait rire ou était sérieux. Et à tout hasard il ajoutait à toutes ses expressions de physionomie l’offre d’un sourire conditionnel et provisoire dont la finesse expectante le disculperait du reproche de naïveté, si le propos qu’on lui avait tenu se trouvait avoir été facétieux. Mais comme pour faire face à l’hypothèse opposée il n’osait pas laisser ce sourire s’affirmer nettement sur son visage, on y voyait flotter perpétuellement une incertitude où se lisait la question qu’il n’osait pas poser : « Dites-vous cela pour de bon ? » Il n’était pas plus assuré de la façon dont il devait se comporter dans la rue, et même en général dans la vie, que dans un salon, et on le voyait opposer aux passants, aux voitures, aux événements un malicieux sourire qui ôtait d’avance à son attitude toute impropriété, puisqu’il prouvait, si elle n’était pas de mise, qu’il le savait bien et que s’il avait adopté celle-là, c’était par plaisanterie.

    Ou à propos de Mme Verdurin (qui dans les pages précédentes, prenant au sens propre des expressions figurées demanda  l'intervention du docteur Cottard afin de remettre sa mâchoire qu'elle avait décrochée pour avoir trop ri) :

    De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et s'égayait de leurs " fumisteries", mais depuis l'accident qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique conventionnelle qui signifiait, sans fatigue ni risques pour elle, qu'elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre un ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des ennuyeux - et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu longtemps la prétention d'être aussi aimable que sa femme, mais qui riant pour de bon s'essoufflait vite et avait été distancé et vaincu par cette ruse d'une incessante et fictive hilarité - elle poussait un petit cri, fermait entièrement ses yeux d'oiseau qu'une taie commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n'eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa figure dans ses mains qui la recouvraient et n'en laissaient plus rien voir, elle avait l'air de s'efforcer de réprimer, d'anéantir un rire qui, si elle s'y fût abandonnée, l'eût conduite à l'évanouissement.

    Je finis un amour de Swann, ensuite j'abandonne Proust mais juste le temps de lire  le prix Goncourt.

  • l'érable

    J’ai inventé aujourd’hui un poème qui vaut ce qu'il vaut. C’est un sonnet en hexasyllabes pas trop mal embranché (ça tombe bien, il est question d’un arbre) mais qui tombe un peu à plat (et sinon je cherche un autre mot que platitude, à bon entendeur). Le plus gros arbre de notre propriété est un érable et en général il commence à perdre ses feuilles dès la mi-août (sauf cette année).

    Je ne considère d'ailleurs pas vraiment cet écrit comme un poème. J’essaie juste de faire des phrases normales, des choses que l’on peut dire au quotidien et d’insérer des rimes dans ces phrases tous les six pieds. J’aime la puissance de la rime, j’aime quand ça claque en fin de vers. La rime donne de l’énergie à un écrit. J'aime aussi qu'il y ait une musique, un peu à la Verlaine, que la musique emporte naturellement le lecteur vers le dernier mot. Mon modèle en la matière, c'est Henri Thomas. Après, je me le récite à moi-même en conduisant ou ailleurs et j’en tire un plaisir particulier. C’est comme une friandise que je mâche et qui ne fond jamais.


    Voici les feuilles mortes

    Tombant sur la chaussée

    Alors qu’août nous exhorte

    A rester dénudés.


    Car l’érable pressé

    De perdre un peu de poids

    Lâche au cœur de l’été

    Ce qui fait son éclat.


    Et devant ce spectacle

    De la décrépitude

    Jamais je ne renâcle


    Muni de mes outils

    A rendre au sol meurtri

    Sa noble platitude.

     

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