Tranquillement et sans que cela soit prémédité, je prolonge ma série de lectures sur le thème de la première guerre mondiale. Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre avait ouvert le bal, suivi des croix de bois de Roland Dorgelès. Un peu pour faire pendant à ce dernier, je m’étais dis que serait ingénieux de trouver un récit autobiographique mais écrit par un soldat allemand. Orages d’acier s’est donc imposé et ce pour deux raisons : il est considéré par beaucoup comme le meilleur récit sur le sujet de la guerre de tranchées ( par André Gide par exemple) et je garde un souvenir exquis des falaises de marbre.
Commençons par les points positifs : ont reconnaît dans ce récit la patte de Ernst, son écriture très soignée. Saluons au passage la traduction réalisée par Henri Plard (et non par Henri Thomas qui a traduit les falaises de marbre...tout ce que je ne ferais pas pour citer the ghost comme on l’appelait dans les locaux de la bbc car il avait cette manie de débarquer dans les bureaux subrepticement suscitant la surprise et souvent l’effroi de ses collaborateurs). Jünger réalise l’exploit de rendre littéraire le récit de cette guerre atroce et cauchemardesque que fut la Grande Guerre.
Pour le reste, j’ai été très déçu. Je me suis même perdu comme untel dans les boyaux d’une tranchée...Ce récit est trop technique, les descriptions sont trop répétitives...à tel point que lorsqu’il évoque la bataille de la Somme au passé, je m’aperçois que je l’avais zappée au présent tant elle se perd dans d’autres combats identiques. L’éditeur aurait pû mettre les chapitres dans le désordre que je ne m’en serais pas aperçu. C’est un récit fait par un militaire pour les militaires, un récit de guerre ni plus ni moins dans lequel il n’explique jamais les raisons du conflit.
Enfin, c’est le lieutenant Jünger lui-même qui m’a déçu. Je ne m’étais jamais enquis de sa biographie mais on ne met pas longtemps à comprendre qu’il est la caricature du soldat allemand patriotique, froid et méthodique. Il combat aveuglement pour son pays, baisse un peu les bras quand ses camarades tombent mais il retourne très vite au feu sans états d’âme et sans se décourager même si l’ennemi progresse inexorablement depuis le début, même si tout semble perdu. A quatre contre cinquante il y va quand même. Et monsieur le soldat insensible à tout (et incroyablement chanceux) se paie même le luxe de bouquiner dans ses rares moments de repos dans les tranchées et de regretter lorsque les anglais attaquent à cinq heures du matin de n’avoir pas eu le temps de prendre son petit-déjeuner*, comme si on en était encore à respecter l’heure des repas. Ce côté borné et insensible m’a profondément navré (ensuite, wikipedia m’informe qu’il n’a jamais soutenu le nazisme, ce qui soulage... encore que ne pas adhérer aux thèses de Hitler est loin de tout excuser).
lecture : avril mai 2014, le livre de poche, 3/5
* Cet après-midi-là, des feux d'infanterie dont la violence n'avait rien d'extraordinaire me firent sortir de mon abri, où j'étais en train de lire en buvant paisiblement mon café.