Ce fut une lecture douce et tranquille comme cette rivière qu’est la Marne qui s’écoule indolente du plateau de Langres pour finir par se faire happer par la Seine (l’usurpatrice) près de Paris. L’auteur de ce récit, Jean-Paul Kauffmann (dont le nom nous dit tous quelque chose) décide de remonter cette rivière (la plus longue de France) à pied depuis sa confluence jusque sa source avec comme seule contrainte de ne pas s’en éloigner. Cette remontée bucolique et insouciante est l’occasion pour l’auteur d’évoquer l’histoire de notre pays dont la frontière de l’est s’est souvent jouée au niveau de cette rivière. On traverse avec lui des bourgades tranquilles, presque endormies mais où il fait bon vivre loin du brouhaha parisien et médiatique. Il est question aussi d’écrivains et de peintres ayant puisé leur inspiration dans cette eau limpide et recherchant aussi, entre deux écluses, la ‘rambleur’, lumière trouble typique de ces lieux...et puis évidemment, évocation des guinguettes, ah le petit vin blanc, du champagne...etc etc. C’est une France en marge que nous fait découvrir Jean-Paul Kauffmann, et qui s’assume comme tel :
Le monde actuel a beau être quadrillé, il existe beaucoup de trous, de failles. Ce pays possède la grâce. Il a le chic pour ménager une multitude d'interstices, d'infimes espaces permettant de se soustraire à la maussaderie générale. Ce retrait, cette stratégie d'évitement face à l'affliction des temps sont à la portée de tous. Il suffit de ne pas se conformer au jugement des autres, à la prétendue expertise de ceux qui savent. Depuis mon départ, j'ai rencontré des hommes et des femmes qui pratiquent une sorte de dissidence. Ils ne sont pas pris dans le jeu et vivent en retrait. Ils ont appris à esquiver, à résister, et savent respirer ou humer un autre air, conjurer les esprits malfaisants. Ces conjurateurs tournent le dos aux maléfices actuels tels que la lassitude, la déploration, le ressentiment, l'imprécation. Sans être exclus, ils refusent de faire partie du flux
Cette note est évidemment loin d’être exhaustive tant ce récit embrasse délicieusement de multiples facettes de notre société, avec comme fil rouge la Marne et ses écluses si chères à Georges Simenon. J’ai vraiment dégusté ce livre comme un bon champagne qui est disait Talleyrand ‘le vin de la civilisation’.
Le mot de la fin, je le laisse à l’auteur arrivé au terme de son parcours:
Je tiens cette partie de la Haute-Marne pour une des plus belles campagnes de France ; c’est la Marne rêveuse, le grand pays désert, un royaume inviolé, d’une pureté inouïe. Le fait qu’elle passe inaperçue dans un Hexagone où chaque région, chaque département se pousse du coude et hausse du col pour affirmer qu’il est le plus intéressant, le plus surprenant, le plus aimable, reste pour moi un mystère. Le charme de cette Champagne méridionale réside dans la discrétion, une qualité de silence excluant par définition tout commentaire. Trop souvent décrits comme des proscrits de l’intérieur, ses habitants en profitent. Puisqu’on les a oubliés, ils savourent entre eux la paix de leurs forêts et de leurs lacs.
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La Marne,
rivière française, 514 km
source : plateau de Langres
embouchure : Charenton-le-Pont
débit moyen : 110 m3/s
Commentaires
Un article qui rend justice a la simplicité et la grâce de ce livre. Le chapitre 23 est mon prefere, mais vraiment tout est bien dans ce livre !