J'avais connu au milieu des années 90 sur les bancs de la fac à Rennes un drôle de type qui s'appelait Ferdinand. Il m'impressionnait par son flegme, son aisance et sa décontraction. Il portait très souvent une chemise rouge avec une veste grise plutôt épaisse. On s'est vite lié d'amitié et je ne sais pas pourquoi puisqu'il n'y avait rien de très commun entre lui, rennais d'une trentaine d'année qui avait parralèlement un emploi dans la télévision et moi, tout jeune étudiant sorti des tréfonds de la campagne bretonne. Il me parlait peu de son boulot mais il en tirait de très bon salaires. On parlait surtout de poésie et de choses futiles en général. Un jour que j'arrivai chez lui à l'improviste, je le trouvai dans sa baignoire en train de lire un livre qui s'avérait être 'l'histoire de l'art' de Elie Faure. C'est à partir de ce jour que je devins fan de la prose d'Elie Faure.
Ferdinand était vraiment un type qui m'épatait et j'enviais sa vie romanesque et de bohème. Surtout que la deuxième année, il m'apprit coup sur coup qu'il avait perdu son emploi à la télé mais que de toute façon il n'avait plus besoin de bosser car il était tombé amoureux d'une italienne richissime installée à Rennes. Et lorsque nous discutions de choses et d'autres, il avouait sans états d'âme qu'il n'avait plus besoin d'étudier ni de travailler car sa compagne (que je n'ai jamais rencontré à était riche). Quelques mois plus tard, alors que nous nous étions donné rendez-vous dans un club, il ne vint pas. Le lendemain, soucieux de savoir pourquoi mon ami n'était pas venu, je me risquai à téléphoner chez lui et une femme à l'accent italien me répondit en pleurant qu'il était parti avec la baby-sitter de ses enfants (car elle avait des enfants). Je ne fus pas surpris par cette fuite en avant de Ferdinand car il fonctionnait beaucoup à l'instinct et aux sentiments. Il ne mettait aucune limite à son désir de liberté.
Je n'eus plus de nouvelles de lui si ce n'est par les journaux car les deux tourtereaux en vadrouille dans le sud de la France ne semèrent derrière eux que cadavres et incompréhensions. Ils étaient traqués par la police et sans que je ne susse pourquoi, Ferdinand se fit appeler Pierrot par la presse alors que la 'baby sitter' s'appelait Marianne.
Je ne vous raconte pas tout ça par hasard. Je viens d'apprendre qu'il s'est donné la mort dans l'île de Porquerolle. Et connaissant le personnage, je n'ai pas été surpris par la raison de cet acte ni par la méthode. Alors que les flics les encerclaient, il a tiré par erreur un coup de révolver sur Marianne qui fut tuée sur le coup. Ferdinand alias Pierrot, fou de désespoir se fit exploser le crâne par une vingtaine de batons de dynamites reliés entre eux.
Pierrot a toujours été jusqu'au bout de ses idées.
Commentaires
et tu l'as piqué où ce texte sur Pierot le Fou?
Mytho.
Moi, c'est Henry Miller.
Par contre je ne dois pas avoir tous les volumes.
Je les avais acheté d'occas et il y en a au moins un dans la même édition que celle de ta photo.
Même couleur jaunie aussi d'ailleurs.
mais j'ai piqué ce texte nulle part ! il est de moi...inspiré, certes des aventures de Pierrot. Je ne cherchais d'ailleurs nullement à le dissimuler, le film est même dans la liste de gauche !
par contre, c'est vrai qu'après avoir vu Pierrot le Fou je me suis acheté (non sans difficultés) les livres de Elie Faure en question.
Henry Miller a écrit un histoire de l'art ?
Non, mais il était "fanatique" de Elie Faure.
Ah bon ? comment peut-on être fan de Elie Faure ?
Perso, j'adore le style de Elie Faure. Je me délecte en le lisant même quand il parle de peintres espagnols oubliés du XVIème. Il n'avait pas son pareil pour rendre n'importe quel fait de la vie quotidienne tragique ou métaphysique.
c trist ici!
Pourquoi le Roi ? tu n'as rien à dire sur Pierrot ?
oh, et puis après cette magnifique note que je viens de faire sur Pierrot, je n'ai plus envie d'en écrire d'autres !
bon weekend à toutes !
La vérité est que tu n'as jamais connu de Pierrot dans ta vie.
Tu rigoles, je connais plein de Pierrot, à commencer par mon voisin d'en face qui est mon ancien facteur.
Mais j'en connais d'autres aussi !!
Non mais c'est vrai cette histoire Loic ? T'as vraiment connu ce Ferdinand ?
oui. le film m'a tellement marqué et a tellement influencé certaines choses en moi que oui, je peux dire que je l'ai connu.