Depuis quelques mois, il y avait un pochon bleu et rouge dans le fossé au bord de la route à cent mètres sur la droite, côté forêt au dessus de chez moi. Ce pochon m’agaçait le matin en allant au boulot et le soir en rentrant. En cette fin d’hiver où la végétation est encore moribonde, on ne voyait que lui. Je suis sans doute moins écolo que la moyenne de mes compatriotes mais je suis persuadé que dans notre village, peuplé d’une vingtaine de contribuables (je ne sais pas s’il faut compter les voisins d’en face qu’on n’a pas vus depuis des lampadaires), peu avaient remarqué ce pochon ou alors s’en foutaient.
Et puis, c’est vrai, il aurait été facile qu’un soir en arrivant, j’aille le chercher mais je voulais voir si quelqu’un d’autre allait le faire (tout en sachant qu’au bout de quelques temps, j’y serais allé) mais personne. Les gens qui passent en auto ou à vélocipède, je dis pas mais on voit régulièrement des promeneurs polonais, des quincailliers en retraite et j’avais encore un peu d’espoir en l’humanité, même le dimanche où l’on a goût à rien sauf à traîner ses guêtres et sa misère sociale sur les chemins de nulle part.
Mais non, le pochon a tenu tout l’hiver, encerclé par une ronce. Des employés communaux ont fait des travaux dans le périmètre mais aucun d’entre eux n’a eu le courage d’extraire du fossé ce que d’aucuns appellent un sac plastique, sac dont une légende affirme qu’il lui faut 1000 mille ans pour redevenir poussière. ( récemment, un promeneur turc a trouvé sur une plage bretonne l’emballage d’un Raider, barre chocolatée qui n’existe plus depuis 1991. Ouest-France s’en est fait l’écho montrant un emballage presque pas abîmé, en tout cas, encore loin d’être éliminé, bien que soumis aux vagues, au sable et aux tempêtes de joie.)
Globalement, je suis agacé par la pollution des fossés et je suis bien placé pour en parler parce qu'effectuant mon footing tous les quatre matins, je n’ai de cesse de voir des canettes de bière, des boites de chez McDo, des cd de Nolwenn Leroy (que les gens balancent par agacement parce que l’autoradio ne veut plus les lire ou plus probablement parce que dans un moment de lucidité ils se sont rendus compte que c’était de la daube) et autres saloperies jetées sans vergogne par dessus bord (je l’ai fait une fois il y a quelques années et je l’ai payé cher puisqu’une collègue de boulot me suivait, a vu la bouteille voler et ne s’est pas privée pour le rapporter ensuite au bureau).
Mais revenons à notre pochon. Il a donc passé l’hiver armoricain tranquillement, a subi les pluies et les vents, les gelées, les rosées et les gaz d’échappement. Il y a un mois, je me suis remis à courir après une longue pause mais comme mon circuit partait dans l’autre sens, je ne passais pas devant ledit pochon. Mais un jour, je suis parti dans sa direction avec la ferme intention de l’extraire de là. Je suis donc allé me défouler dans les bois de Camors et au retour, j’ai accompli ma bonne action : je me suis arrêté, j’ai récupéré la chose et il s’est avéré que plus qu’un pochon, il s’agissait en fait d’un sac poubelle rempli de détritus (j’ai cru deviner des couches et différents consommables pour bébés). J’ai fini mon footing avec ce trophée dans la main droite. J’aurais aimé que des voisins me croisent pour que cet acte héroïque soit pris à témoin mais personne. Il faut dire que c’était l’heure où tf1 diffuse des jeux intéressants. Pas grave, j’ai ma conscience pour moi, j’ai débarrassé la douve (synonyme très approximatif de fossé pour changer un peu) de cet intrus et mes départs et arrivées quotidiens au village d’une contrariété.
Toute cette histoire ne valait sans doute pas une note mais je voulais dire que l’environnement avant d’être un programme politique, c’est avant tout ces petits gestes en bas de chez soi, qui additionnés, finissent par peut-être ne plus n’être qu’une goutte d’eau. Vive la République, vive la France.
Loïc LT, politiquement correct à ses heures perdues