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conversation avec Gambetti (sur la réalité de la crise)

La crise (je mets toujours ce mot entre guillemets, je ne l'assume pas, voyez-vous) est avant tout une affection qui touche le langage. On dit que nous sommes en crise donc nous le sommes (je mets là en avant m’a dit un collègue le concept du discours performatif : c’est le fait de parler d’une chose qui la rend réelle).  Après personne ne prend la peine de vérifier sa réalité dans le quotidien. Tout juste va-t-on balancer des poncifs du genre “la vie est chère, il  y a de plus en plus de pauvres”. Ça ne mange pas de pain et ces idées reçues maintes fois ressassées depuis aussi longtemps que le capitalisme existe nous confirme dans l’idée de la crise.
Gambetti m’affirmait que le système capitaliste était à bout de souffle, qu’il était en train de s’auto-détruire. Je ne comprends pas pourquoi il m’a dit ça : lui même a un bon job et il vit dans une belle maison nichée au coeur d’une vallée luxuriante. En fait pour lui comme beaucoup de monde, la crise n’a d’existence qu’à travers le discours médiatique. Si les médias lui avaient fait croire que depuis 5 ans l’Europe connaissait une forte expansion, ça aurait été pareil. Il l’aurait intégré au réel à peu près aussi facilement que la crise (je dis à peu près car le français se méfie toujours des médias quand ils sont trop positifs).
Mais bon sang, ai-je répondu à Gambetti, va dans les bars, les restaurants, sur les plages, sur les aires d'autoroutes, regarde les maisons sortir de Terre, les files d'attente dans les supermarchés, les grosses bagnoles...elle est où la crise financière dans tout ça ? Pour 80% des gens, la crise est un concept abstrait dont ils ne découvrent la réalité que par les médias. Pour les autres, c'est dur, crise ou pas crise, ça l'a toujours et ça le sera toujours. C'est le principe même du système que de laisser des gens sur le bord de la route (tout en les aidant par la redistribution, ce qui est normal) pour que les autres aient envie de se battre pour ne pas rejoindre les premiers...et puis pour que les premiers gardent l'espoir d'y arriver.
Il ne peut pas exister de système idéal où tout le monde serait heureux (encore que les plus pauvres ne sont pas tout le temps les plus malheureux) car il s'effondrerait sur lui-même car les gens ne verraient pas l'intérêt de se casser le cul.

Je ne vois pas ce qui pourrait remplacer le capitalisme, assénai-je à Gambetti. Aucun théoricien économique n'a encore rien trouvé quoi que ce soit car il se confronte tout le temps à la nature même de l'être humain qui est d'être libre, consumériste et dont le penchant individualiste est plus fort que son attirance pour la collectivité. Et quand bien même, un esprit éclairé trouverait un système alternatif et que ce dernier était porté par un parti politique qui arriverait au pouvoir et le mettrait en oeuvre (admettons hein...), il n’y aurait pas d’autre solution pour que ce nouveau système s’installe dans la durée, d’empêcher que des élections aient lieu car à chaque fois, ce serait la menace de voir un parti pro-capitaliste les gagner.

Commentaires

  • Qui est ce Gambetti ? Quelle chance d'avoir un nom pareil : on dirait un héros de roman intelligent à la Camus... Mais tu ne le laisses pas beaucoup parler ce monsieur dans cette conversation, comment réagit-il face à ta thèse ? Questionne-le si c'est possible, son avis m'intéresse.

  • Je vais te décevoir mais Gambetti est juste un ami imaginaire avec qui je discute le matin en voiture en allant au boulot et cet ami me fait le condensé de tous les clichés et poncifs que j'entends à droite et à gauche.
    Et Gambetti est aussi le nom de l'interlocuteur du héros de 'extinction' de Thomas Bernhard, un roman qui m'a marqué et dans lequel donc, comme dans ma note, le narrateur s'adresse à un certain Gambetti (voir CR181).

  • Pour changer... je ne suis pas d'accord ! :-)
    Je ne m'y connais pas en théories économiques, et je manque de connaissances sur les autres cultures. Il me semble toutefois que le système capitaliste dans lequel nous vivons ne concerne qu'une partie de la population, et pour un laps de temps donné. Je ne suis pas sûre que les egyptiens anciens aient vécu dans un système capitaliste ou libéral par exemple, et je ne suis pas non plus sûre que le capitalisme était une conséquence inévitable et prévisible dans l'évolution de l'Egypte antique. Mais je ne suis pas certaine d'être claire. Je pense tout de même qu'à une époque de notre histoire - je parle pour le monde occidental - l'Homme a choisi une option qui s'appelle capitalisme, et qui était certainement en effet le fait d'une évolution, mais qu'il y avait d'autres options possibles. Je ne pense pas, moi, que notre système économique soit intrinsèquement lié à la nature humaine qui serait consumériste et égoïste. Je pense que notre système économique est lié à une volonté politique de minorités (économiques, politiques, religieuses) qui se sont alliées pour soumettre la majeure partie de la population.
    Pour ce qui est "de la crise", je me suis fait la réflexion, pas plus tard que cette semaine, que pour une population souffrant d'une "crise" économique, on n'a jamais vu autant de voitures neuves ! (pas plus loin que dans le parking de ma résidence c'est incroyable, et je n'habite pas dans un endroit privilégié). Malgré cela, je ne joins plus les deux bouts de mon budget et je ne suis pas optimiste sur les années à venir. Mais ce n'est pas l'effet d'une quelconque crise. C'est dû à la paupérisation croissante des classes laborieuses du monde occidental, entrées en compétition avec les masses productives des pays en voie d'émergence. Autrement dit, on nous persuade qu'on coûte cher, et on gèle nos salaires, alors même que le coût de la vie augmente et que nos habitudes de consommation changent. Effet négatif de la mondialisation - à mon humble avis. On mondialise la pauvreté, pas la richesse.
    Ceci est le fruit de mes réflexions du matin dans ma voiture :) sauf que je n'ai pas encore de Gambetti ;-) mais ça ne saurait tarder.

  • Merci pour avoir parlé du discours performatif, je ne savais pas que cela s'appelait comme ça. C'est marrant, il y a peu, à je ne sais plus quel propos, je m'étais fait la réflexion que "ce dont on ne parle pas, n'existe pas." maintenant je sais qu'il s'agit de discours performatif. Je me sens moins bête !

  • Sur le parking de la boite où je bosse, c'est pareil : bcp de grosses bagnoles (pour autant de smicards, pour la plupart propriétaires de leur maison).
    Je pense sérieusement que la dégradation sociale est un mythe. Bon, ta situation à toi à l'air tendue mais penses-tu que si tu avais vécu dans la même situation (même travail, même situation familiale..), il y a 30ans, cela aurait été plus facile ? On a toujours tendance à penser qu'avant c'était mieux mais ce n'est pas évident.
    Pour la mondialisation, certes il y a une sorte de dumping social mais globalement, ça ne concerne qu'un type d'industrie. La France ne cherche plus à faire concurrence avec la Chine. Les commerçants, les fonctionnaires, les employés de services divers (banques, assurances, tourisme, ménage, garages etc) ne sont pas concernés.
    Mais tu t'entendrais bien avec Gambetti, il pense un peu la même chose que toi -).

    Pour le discours performatif, il faut remercier le mec avec qui je bosse cet été. Quand je lui ai fait part de ma thèse sur la crise, cela lui a fait penser à ce concept.

  • Dans cet ordre idée, il faut lire "du bon usage des catastrophes" de Régis Debray, essai dans lequel l'auteur règle ses comptes avec les prophètes de malheur et ayatollahs de tous poils.

  • Renseignez vous sur le revenu inconditionnel, nous ne sommes pas obligé d'avoir des gens qui sont dans la merde, à voir : http://le-revenu-de-base.blogspot.com/ . Le problème de notre crise n'est pas la crise elle même mais le transfert de la crise financière à une crise économique puis politique et sociale. Cette transition n'a pas encore eu lieu. Il suffit de regarder l'histoire et l'Allemagne des années 30 pour se rendre compte que le mot crise n'est pas seulement un terme à mettre entre guillemets!
    Aussi les voitures neuves n'ont jamais été une garantie de bonne santé économique.

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